Requiem du vieux mur
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Requiem du vieux mur
Quels sont ces coups dans mon côté
qui ébranlent ma chair en pisé
Ils vont finir par m'éventrer !
Et voilà ! Ils ont réussi
me voilà tout anéanti
Mais tout à coup
voilà que je vois par le trou ?
Jusqu'à ce jour ma cécité
ne me gênait que d'un côté
j'avais dans le nez les odeurs
des poireaux, tomates et choux fleurs
semés, arrosés, récoltés
par les soins du vieux jadinier
Les roses, les dalhias, les oeillets
je les voyais s'épanouir
et à chaque saison refleurir
Aujourd'hui que s'est il passé ?
ma mort est-elle programmée?
Ils bâtissent un nouveau quartier
me voilà nu sur le pavé
Pelleteuses et bulldozers fouillent
le jardin du père Gribouille
qui était de l'autre côté
et j'aimais l'entendre chanter
quand il ramassait ses navets
mais jamais je ne le voyais
seulement lorsqu'il s'amenait
pour se faire payer la goutte
après sa dure journée
à préparer son marché
Aujourd'hui, ça sent le mazout
plus de marché à préparer
Mon jardinier baisse la tête
touche mon flanc tout déchiré
il a l'air triste et désolé
de voir ma vie se déliter
sans qu'il ne puisse protester
Ils creusent, ils tirent, ils souillent
ils ont pillé les citrouilles
des canettes gisent à mes pieds
balancées par les ouvriers
qui se moquent de souiller
tous ces gravats qu'ils ont brassés
Dix étages bientôt s'élèveront
dans le champ de roses pompons
Je découvre aujourd'hui aveuglé
ce monde toujours insatisfait
ce monde qui va dans le mur
a toujours plus déployer sa voilure
Ce trou est le début de ma gangrène
Pourtant à l'ombre de mes grands murs
j'abritais un jardin d'Eden
Lecrilibriste