Le hardier, sa mule et le rhyton

Image Internet  - Atelier en ligne "13 à la douzaine"

Le Hardier, sa mule et le rhyton

Moi, brave hardier de l'alpage oublié

je me réfugiais certains jours

dans la caverne des anciens

hélas ! sans radiateur

mais tapie au fond du pré

où foisonnaient les rhododendrons

Et c'était consternant

de voir la liste des cœurs transpercés d'une flèche

gravés sur les parois de pierre

comme les bisons de la grotte Chauvet

Je n'étais donc pas le seul à avoir découvert l'endroit

et je me disais que ces cœurs

dataient  d'une ère très lointaine

où nos vieux ancêtres

avaient lancé cette manie

et que quelque suppléant ayant découvert la grotte

en cherchant une cachette pour son magot

avait perpétué l'histoire

Tiens ! C'était sûrement ça

car un trognon de pomme trônait

au beau milieu de la grotte

Mille sabords !

Avait-on découvert mon antre secrète ?

Le braiment de ma mule

me rappela à l'ordre

C'est vrai qu'elle avait soif, la belle

Je pris mon précieux rhyton

toujours pendu à ma ceinture

et rempli d'eau ou d'une quelconque piquette

pour l'abreuver comme avec un biberon

car il n'y avait pas de source plus près

Ma mule reconnaissante

pour l'eau ou pour la piquette

léchait toujours d'un coup de langue amical

 la tête du chameau qui ornait

l' extrémité de mon précieux rhyton

Je l'avais acheté aux portes du désert

au brocanteur d'un souk

Et ma mule, très intelligente

connaissait la tête du chameau

ainsi que le proverbe

sobre comme un chameau

ou peut être bien le goût de la piquette

et  le remerciait ainsi trois fois plus

le chameau,

chaque fois que je l'abreuvais ainsi

d'avoir pensé à prendre de l'eau

ailleurs que dans sa bosse.

Lecrilibriste